Robert Castellana. [article en cours de rédaction]
Abstract. L’histoire conflictuelle des rapports entre Chrétiens et Musulmans remonte au début du moyen-âge, avec la présence arabe en Espagne. Elle a donné lieu à partir de cette époque à l’élaboration d’un récit légendaire, issu de sources historiques principalement ecclésiastiques et des grands romans médiévaux. Ce légendaire mauresque se compose par ailleurs de rituels festifs attribués de même à la présence arabo-berbéro-musulmane, dite aussi sarrasine, dans l’Europe médiévale. Les régions concernées sont, pour la France, le Sud-Ouest et une partie de l’Ouest (Indre-et-Loire, Maine-et-Loire et Poitou), ainsi que la Provence, les Alpes, et l’ensemble de l’Est du territoire (de la Bourgogne au Dauphiné). Le légendaire mauresque est également mentionné dans les péninsules ibérique et italienne. La dimension identitaire de ces récits allait demeurer une constante, qui culmina en France avec les recueils menés par les folkloristes et les érudits locaux au 19ème siècle. Le vaste corpus rassemblé à cette époque donne une image ambivalente d’envahisseurs à la fois destructeurs et bâtisseurs, considérés parfois même comme des ancêtres fondateurs. Ce dernier aspect ressort plus particulièrement de la patronymie, avec des populations dont l’origine remonterait à l’époque de la présence arabe. Ces récits évoquent aussi des êtres relevant du fantastique et du merveilleux, dont la présence est notamment associée à la toponymie. L’importance de cette présence sur le territoire a contribué à l’élaboration d’une géographie mythique illustrée par le thème folklorique des survivances païennes. La présence légendaire des Maures et des Sarrasins a par ailleurs participé, en France, à la construction du récit historique national et régional, dans le contexte de l’expansion coloniale. Il faut toutefois relativiser ces relectures identitaires successives. Le corpus des légendes mauresques relève en effet d’invariants culturels dont la diffusion est probablement plus large et plus ancienne. Nos recherches portent principalement sur l’histoire de ces traditions dans le domaine frontalier des alpes méridionales, notamment en ce qui concerne les danses rituelles dites danses mauresques.
En savoir plus : GENDRE Philippe 2014. Les danses Morisques. Cet article de vulgarisation donne un tableau très documenté de l’extrême diversité des danses qualifiées de mauresques ou morisques, que l’on retrouve dans une grande partie de l’Europe. Il aborde les thèmes de l’armée blanche contre l’armée noire, incarnés successivement par le Maure puis par le Turc et le Pirate, leurs deux formes, guerrière et érotique, avec le rôle de la femme et la dimension carnavalesque de ces danses avec le personnage du fou. L’article évoque aussi la dimension de danse de cour des morisques. Il conclue sur la dimension apotropaïque de ces danses qui les rattache, avec d’autres types de danses, à une époque plus ancienne et à une aire culturelle beaucoup plus vaste. Lien
En savoir plus : RIPART Laurent 2020. « Les Sarrasins en Provence une approche historiographique. » In Comté de Nice. 40 ans de recherches, Saint-Martin-Vésubie, pp.76-95, 2020, Patrimoine du haut pays, hors-série 3. Cet article fait le point sur les évolutions du légendaire mauresque au fil des siècles. «À l’époque des croisades, la mémoire sociale de la société féodale se construisit ainsi autour des récits des grands faits d’armes que Charlemagne et ses compagnons auraient accomplis contre les Sarrasins qui avaient envahi la Gaule méridionale. Ils furent aussi repris par les hagiographes, qui recoururent massivement aux Sarrasins dès la période féodale, afin de leur faire endosser le rôle de bourreaux, jusque-là tenu par les Romains, les Vandales et les Goths, dans les Passions des martyrs. La société médiévale forgea ainsi une histoire mythique des Sarrazins, dont le portrait s’élabora selon la représentation topique de l’Islam que la Chrétienté avait élaborée dans le contexte des croisades, en un temps où les Musulmans étaient le plus souvent conçus comme une incarnation démoniaque des forces diaboliques. Les choses changèrent au XIXe siècle, lorsque se mit en place une impressionnante historiographie des Sarrasins, auxquels furent alors consacrés plusieurs dizaines d’ouvrages dans le cadre des sociétés savantes. Les érudits du XIXe siècle considéraient que les Sarrasins devaient être perçus comme des envahisseurs, ce qui revenait à analyser leurs actions au miroir de la colonisation européenne. Il est intéressant de noter que les Sarrasins bénéficiaient dans l’érudition locale du regard bienveillant que l’orientalisme jetait alors sur le monde musulman. Dans le contexte de la décolonisation, de nouveaux travaux relancèrent la question sarrasine, qui retrouva toute son actualité dans l’historiographie.» De nos jours, ajoute-t-il en conclusion, l’histoire des Sarrasins a été bouleversée avec la prise en compte de la documentation arabe, la relecture des sources latines et les progrès de l’archéologie : «Il faut situer cette présence sarrasine dans un contexte social élargi, en considérant que les incursions des Sarrasins sur les côtes provençales ou dans les vallées alpines ne constituaient que l’un des aspects des relations complexes et diversifiées qui liaient les Musulmans à la Chrétienté.» Lien