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Linguistique

Albert Dauzat (1877-1955) : Linguistique comparée et dialectologie

  1. Antoine Meillet et l’Institut des Etudes slaves
  2. Albert Dauzat et la toponymie
  3. Marcel Cohen et la Société de linguistique de Paris
  4. Repères bibliographiques

L’Atlas Linguistique de la France (1897-1900). La dialectologie est une discipline proche de l’anthropologie et du folklore. Elle allait connaitre d’importants développements avec les avancées scientifiques de la linguistique et l’essor de l’orientalisme. On lui doit notamment l’identification de l’aire culturelle indo-européenne et de celle des langues sémitiques, dans le contexte colonial, ou encore des particularismes linguistiques régionaux, dans le contexte de la construction des identités nationales. Dans ce domaine, l’Atlas linguistique de la France est publié entre 1902 et 1910. Il est l’œuvre d’un philologue français Edmond Edmont et d’un linguiste suisse Jules Gilliéron. Entre 1897 et 1901, ses auteurs mèneront des études de terrain dans 638 localités. L’Atlas se compose de cartes recensant les dialectes rattachés aux langues romanes parlées sur le territoire français, langue d’oïl, occitan, catalan et arpitan. Les langues non romanes (alsacien, basque, breton, francique et flamand) ne seront pas concernées par cet atlas de même que la langue corse.

1. Antoine Meillet (1866-1936) et l’Institut des Etudes slaves

En 1885 Meillet suit les cours de la faculté des lettres de Paris, du Collège de France et de l’École pratique des hautes études. Après une agrégation de grammaire, il séjourne en Arménie en 1891, où il apprend  l’arménien moderne et étudie d’anciens manuscrits. Il reprend ensuite le cours de grammaire comparée de Saussure à l’Ephe, qu’il développe avec une conférence sur les langues persanes, puis occupe la chaire d’arménien de l’École des langues orientales et la chaire de grammaire comparée du Collège de France, où ses cours portent sur l’histoire et la structure des langues indo-européennes. Meillet va ensuite se consacrer à la linguistique comparée au Collège de France et à l’École pratique des hautes études. Secrétaire de la Société de linguistique de Paris, il préside également l’Institut d’Études Slaves de 1921 à sa mort. Meillet a formé toute une génération de linguistes français, parmi lesquels Marcel Cohen et Georges Dumézil.

2. Albert Dauzat (1877-1955) et la toponymie

Albert Dauzat étudie le droit et les lettres à la Sorbonne, et soutient en 1906 une thèse intitulée Essai de méthodologie linguistique dans le domaine des langues et des patois romans. Il sera professeur puis directeur d’études à la Ve section de l’École pratique des hautes études. Dauzat est l’auteur de l’ouvrage Les noms de lieux, origine et évolution ; villes et villages, pays, cours d’eau, montagnes, publié en 1926, où il estime que la plupart des noms des villages français remontent à l’époque gallo-romaine ou franque. Il affirme aussi la primauté de la langue parlée dans la formation des noms de lieux et leur évolution suivant des lois phonétiques. Dauzat rédige par ailleurs des ouvrages à connotation ethnographique comme Légendes, prophéties et superstitions de la Grande Guerre, ou encore L’argot de la guerre : D’après une enquête auprès des officiers et des soldats.  En 1939, il publie La toponymie française: Buts et méthodes, questions de peuplement, les bases pré-indo-européennes…, qui va devenir un ouvrage de référence dans ce domaine. En 1939, il initie aussi le chantier national du Nouvel atlas linguistique de la France par régions.

3. Marcel Cohen (1884-1974) et la Société de linguistique de Paris

Formé à l’École pratique des hautes études et titulaire de l’agrégation de grammaire en 1908, Marcel Cohen est un linguiste spécialiste des langues sémitiques, et notamment des langues éthiopiennes. Il publie tout d’abord une étude portant sur Le parler arabe des juifs d’Alger pour lequel il reçoit en 1912 le Prix Volney. Sa thèse de doctorat, soutenue en 1924, porte sur Le système verbal sémitique et l’expression du temps. Il sera professeur àl’École nationale des langues orientales, où il enseigne le guèze et l’amharique et à l’École pratique des hautes études. Marcel Griaule figure parmi ses élèves. Cohen a également été un pionnier de l’étude du langage enfantin, avec dès 1925 une étude portant sur les langages successifs de l’enfant, dans les Mélanges offerts à Joseph Vendryès dont il avait été l’élève, et de nombreux livres et articles sur le sujet.

4. Repères bibliographiques

SIMONI-AUREMBOU, M.-R. 1972. Dialectologie et folklore, à travers quelques cartes linguistiques en France et en Andalousie. Revue de linguistique romane 36 (1972) 139-151. Extrait. On sait que l’école des «mots et des choses» a conduit la plupart des nouveaux atlas linguistiques régionaux à s’intituler à juste titre «atlas linguistiques et ethnographiques». On sait également qu’un certain nombre de cartes concernent les traditions populaires, dans la mesure où ces traditions ont un nom en patois. Toutefois, l’importance du folklore n’est pas assez grande pour que les atlas linguistiques et ethnographiques soient aussi folkloriques. P. Nauton avait très clairement posé le problème du rapport entre atlas linguistiques et folklore : «En 1938 fut étudié le plan d’un Atlas folklorique de la France qui, à l’heure actuelle, n’a pas été réalisé. Faudrait-il que les atlas régionaux ajoutent ce travail à leur tâche déjà lourde On ne saurait leur en faire une obligation, mais il m’a paru utile de noter ou d’enregistrer les données folkloriques les plus étroitement liées aux données linguistiques que pouvaient fournir les témoins ou leur entourage». Lien

BOUTET Josiane 2009.  Marcel Cohen, l’enquête et les faits linguistiques, de 1908 à 1928. Langage et société 2009/2 (n° 128) 2009/2 (n° 128), pages 31 à 54. Extrait. Les chercheurs qui se sont intéressés à retracer l’histoire de la sociolinguistique considèrent le plus souvent que cette discipline s’est constituée comme telle dans la seconde moitié du XXe siècle. Que Cohen ait été un précurseur de cette discipline est désormais un fait établi, mais le plus souvent cette reconnaissance se fait à partir d’ouvrages relativement tardifs dans la carrière de Cohen. Il est vrai que Cohen (1884-1974) se forme et devient un savant à la fin du XIXe et au tout début du XXe siècle, aux côtés de son maître Antoine Meillet, dans le contexte intellectuel très puissant de la grammaire comparée. À la Sorbonne, à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE), au Collège de France, il est le témoin de la construction historique de deux disciplines, la linguistique et la sociologie. Lien

MANZANO Francis 2020. 1880-1980, un siècle d’études de la variation des langues. Linguistique comparée, dialectologie, ethnographie, structuralisme, avec considération particulière des domaines français, roman et méditerranéen. Extrait. La République Française engage vers 1880 une politique volontariste de francisation du pays par l’École publique, laïque et obligatoire. Ces faits sont très connus, souvent associés à la personnalité et à la politique de Jules Ferry. L’extinction des parlers ruraux (les «patois») est alors jugée inévitable par la plupart des observateurs, et on pense qu’il faut en dresser au plus tôt le catalogue. J. Picoche (1973 : 13) évoque à ce sujet une «attitude d’esprit d’un historien et d’un archéologue» chez maints dialectologues, non celle d’un état d’esprit du sauvetage des langues régionales. Jules Gilliéron (cité par Manzano 2011: 357) écrit par exemple (dans Généalogie des mots qui désignent l’abeille, 1918 : 258) que le français est «une langue claire qui [satisfait] nos besoins modernes et dont la supériorité a été reconnue par les étrangers», et, dans Pathologie et thérapeutique verbale : «dans leur pauvreté génétique, dans leur misère actuelle, les parlers [nous n’en exceptons pas la langue illustrée par Mistral] ont recours à la grande pourvoyeuse qu’est la langue littéraire et leurs emprunts sont moins souvent peut-être les effets d’une servilité à son égard que ceux d’une nécessité causée par l’engrenage des lois phonétiques qui provoquent un désarroi lexical, auquel ils ne savent plus remédier autrement que par l’emprunt.» (1915, I: 13-14, accessible sur le WEB). Lien