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2.1 BESTIAIRE

Les enfants de Médée et les figures mythiques de l’insularité

  1. La légende des îles : géographie mythique et insularité
  2. Le corpus des légendes sauroctones
  3. Sommaire des articles

1.La légende des îles : géographie mythique et insularité. Malgré les efforts conjugués des Dieux, des Héros et des Hommes, il reste un peu partout des îles. Ces lieux où la terre, la mer et le ciel se confondent, témoignent encore de l’univers des origines. Les déesses venimeuses y ont trouvé refuge, à l’abri des tombes ou au fond des antres caverneuses, tissant leur toile et ensorcelant de leurs chants de sirènes leurs amants éphémères, qui laisseront dans ces amours contre nature jusqu’à la moindre apparence d’humanité. Les insulaires ont appris à vivre au mieux avec les déesses déchues, et parfois même à en tirer certains avantages. L’ingénieux Dédale les enferma dans un labyrinthe dont elles ne pouvaient plus sortir. Il fut souvent imité, rarement avec succès, car il existe plus d’une sorte de labyrinthes, dont un seul est une véritable prison. Pour nous diriger au travers des méandres de la pensée mythique nous tenons à présent notre fil d’Ariane. Ariane ou Arachné, femme serpent ou femme araignée, nous la suivons tissant sa toile d’île en île, jusqu’aux confins du monde connu, celui de la Culture à l’avènement duquel elle préside, où s’oppose, et qu’elle marque en filigrane de son empreinte indélébile, le corps caché du Dieu.

2.Le corpus des légendes sauroctones. Les pages qui suivent rendent compte de nos recherches relatives aux créatures désignées sous le nom de dragons dans de nombreuses mythologies. Elles remontent à une demande de collaboration du Musée d’Anthropologie de la Corse (Museu di A Corsica) alors en préfiguration. Nous avions alors isolé dans ce riche corpus l’une de ses variantes, restreinte au seul domaine européen et méditerranéen. Elle concerne plus particulièrement l’époque de l’évangélisation et ses liens à l’insularité. Deux thèmes émergent de ce corpus, des créatures maléfiques voire monstrueuses et des personnages qui les affrontent. Les principales caractéristiques de ces créatures relèvent de leur rapport à l’eau et au feu, mais aussi de leur caractère hybride, des catégories qui pourraient relever d’une dimension universelle propre aux fondements cognitifs de notre espèce. Les personnages qui les affrontent sont des saints à la fois ermites et thaumaturges pour la plupart. Ces caractéristiques ne sont pas sans faire penser à des survivances d’anciennes croyances chamaniques qui auraient fait le tour du monde à la fin du paléolithique. Nous remercions à ce propos toute l’équipe du musée, et plus particulièrement Jean Marc Olivesi, Marie Eugénie Poli Mordiconi, Max Caisson et Lucie Désidéri.

3.SOMMAIRE DES ARTICLES

L’expulsion du serpent: légendes, mythes et rituels. Comme l’archéologie, l’ethnologie étudie les vestiges du passé. Son approche est toutefois différente. Elle recherche à travers les légendes et les rituels, les survivances d’un antique système de croyances, dont la tradition orale est l’un des principaux dépositaires. Le «matériau» de l’ethnologie diffère ainsi, de par sa nature, de celui qu’étudient les archéologues. Si l’on y retrouve des phénomènes d’emprunt, de diffusion et de contact, il possède sa propre logique, qui est celle du récit. Par là même, l’ethnologie s’apparente à la critique littéraire. Adepte d’une méthode comparative, sur un corpus devenu de nos jours conséquent, l’ethnologue cherche à reconstituer les fragments épars d’une mythologie perdue. C’est cette approche que nous avons cherché ici à appliquer à une obscure légende corse, celle de la Biscia.

Insularité et hagiographie : toponymie légendaire des iles corses. Au moyen-âge, la «Légende Dorée» des îles annonce l’émergence d’un thème majeur de la modernité, celui de l’exil insulaire, ici un exil volontaire –revendiqué par les tenants d’une mystique de l’ascétisme. La place hautement symbolique de l’insularité demeure toujours vivante dans la culture de l’Occident. Le nom même des îles y participe, non tant du point de vue du linguiste que de celui de l’ethnologue, lorsqu’il s’attache au registre des étymologies «populaires» et «légendaires». C’est le propos de cet article, qui s’attache plus particulièrement au lexique des îles voisines de la Corse.

Le bestiaire, les îles et la mer. Les matériaux comparatifs que nous avons pu rassembler constituent l’objet de cet article. Ils sembleraient montrer que le christianisme a entretenu dès l’origine des liens étroits avec le monde de la mer, comme en attestent par ailleurs les étonnantes navigations, mystiques ou funéraires, dont l’hagiographie offre plus d’un exemple, et qui ne sont pas sans rapports avec notre propos. Nous pensons montrer ainsi que la mer, vecteur de contact et civilisation, a fortement contribué à la naissance de l’universalisme qui assura le succès du message chrétien, et que l’île, par sa position intermédiaire et médiatrice, entre la terre source de culture et les eaux primordiales et indifférenciées, a offert un point de vue privilégié dans l’élaboration d’une cosmologie renouvelée.

La légende des îles. Géographie mythique et insularité. En matière de «géographie mythique» l’île occupe une place originale. Ses représentations ont toujours été entachées d’une ambivalence extrême qui remonte à l’antique mythologie méditerranéenne… Porte des Enfers ou Paradis terrestre? Avec la littérature chrétienne du moyen-âge se dessine une cosmographie renouvelée. Elle explique peut-être la résurgence irrésistible d’un archétype de la “mauvaise île”. En deçà et au delà, l’univers paradisiaque de l’Éden et les ténèbres de l’Enfer définissent les contours d’une “géographie mythique” que l’île matérialise idéalement; une représentation du monde liée aux sources les plus mystiques de la nouvelle religion, puisque l’expansion du christianisme en Europe affectionna particulièrement les îles.

Serpent et féminité. Essai de mythologie comparée. Les différentes parties de cet exposé, consacré aux mythes du serpent s’articulent autour de l’’idée, issue de la tradition japonaise, d’une totalité indifférenciée précédant l’opposition de la nature à la culture, clef mystique du savoir initiatique de la transe chamanique. Le personnage du serpent, en tant qu’incarnation des forces cosmiques, intimement lié à l’image de la féminité, constituerait la strate la plus archaïque d’un symbolisme aux multiples facettes, dont l’universalité nous interroge. La conception japonaise semble de nature à fournir le cadre comparatif le plus adapté à la mise en parallèle de mythes, légendes et rituels issus des traditions les plus diverses, et notamment en ce qui nous concerne celles de l’Orient et de l’Occident.