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Folklore

Du folklore aux traditions populaires : Arnold Van Gennep (1873-1957)

  1. Folklore et ethnographie
  2. Les rites de passage
  3. Repères bibliographiques
  1. Folklore et ethnographie

On fait généralement remonter l’origine des études folkloriques au 18° siècle, avec les préromantiques anglais et allemand et le mouvement d’intérêt qui voit alors le jour pour la poésie populaire, les chants, les légendes ou les fables. C’est au 19° siècle que paraissent les grands recueils européens de contes populaires. En matière de dialectologie, de mythologie et de folklore les philologues vont demeurer, jusqu’aux années 1870, la seule autorité légitime en France. Le mouvement folkloriste ne se limite pas toutefois à la seule dimension littéraire. Il s’attache aussi aux aspects matériels des traditions populaires. La suite de cet article donne un accès très documenté à l’histoire de l’ethnologie française, ainsi qu’aux travaux des encyclopédistes et des grandes études statistiques issues de la Révolution française. Lien: https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/art_populaire/81490

De la littérature à la culture matérielle. L’essor des études folkloriques s’inscrit dans le cadre de la construction des identités nationales et de leur articulation avec les identités régionales. La question linguistique occupe une place importante dans ce mouvement, mais elle n’est pas la seule. Dans la première moitié du 19ème siècle, des voyageurs érudits rassemblent en effet des collections d’objets dans une optique différente de celle des cabinets de curiosités. Il s’agit d’approches qui annoncent la naissance de l’ethnologie. On peut citer parmi eux Henri Cernuschi (1821-1896), dont les collections asiatiques sont abritées dans le musée parisien qui porte son nom et Emile Guimet (1836-1918) dont les collections asiatiques ont donné naissance au musée national des arts asiatiques. Une grande partie de ces collections sera aussi donnée à des musées de province où elles sont toujours conservées pour une partie d’entre elles. Plusieurs villes françaises possédaient ainsi au 19° siècle des musées à connotation ethnographique. Ils rassemblaient non seulement des collections issues de l’expansion coloniale, mais aussi de l’archéologie naissante et de l’intérêt porté aux sociétés rurales, sous l’impulsion des folkloristes avec l’organisation de collectes de plus en plus systématiques.

L’Académie celtique et la Société des Antiquaires de France (1805-1814). Fondée en 1805, dissoute en 1812, l’Académie celtique se donne pour but de recueillir la tradition matérielle, écrite ou orale qui atteste du passé celte, avec un questionnaire destiné aux «personnes éclairées de chaque département». Les trois hommes qui ont présidé à sa création sont Eloi Johanneau (1770-1851), botaniste et philologue ; Jacques Cambry (1749-1807), préfet de l’Oise, auteur, entre autres, du Voyage dans le Finistère, ou Etat de ce département en 1794 et 1795 ; et Michel-Ange-Bernard Mangourit (1752-1829), diplomate et fondateur du journal révolutionnaire le Héraut de la nation. En 1814, d’anciens membres de l’Académie disparue se regroupent pour fonder la Société des Antiquaires de France (d’abord société royale, puis impériale et nationale), qui se préoccupera davantage d’archéologie que d’ethnographie. Elle publiera à son tour des Mémoires annuels à partir de 1817. Lien : http://www.garae.fr/spip.php?article227

2. Les rites de passage

Arnold Van Gennep se forme à l’École des langues orientales et à l’École pratique des hautes études. En 1914, il participe à l’organisation du Congrès d’ethnographie et d’ethnologie de Neuchâtel. Il occupe jusqu’en 1915 la chaire d’ethnologie et d’histoire des civilisations de cette Université et le poste de directeur adjoint du musée d’ethnographie. Il s’efforcera ensuite de réunir des informations auprès de nombreux correspondants notamment en Savoie, où il séjourne régulièrement depuis son enfance. Son apport majeur sera de rassembler et classer la documentation accumulée par les sociétés savantes et les folkloristes mais surtout d’élaborer une réflexion sur leur analyse dont notamment les notions de variations et de rites de passage. Pour Van Gennep le comparatisme définit l’ethnographie, comme le montre son ouvrage sur les Rites de passage. «Du berceau à la tombe», les deux premiers volumes de son Manuel du folklore français contemporain, parus en 1943 et 1946, recensent les rites liés à la naissance, au mariage et à la mort. Van Gennep a aussi contesté la théorie historicisante des survivances qui dominait au 19ème siècle, en affirmant le caractère vivant, actuel et contemporain du folklore, alors que les chercheurs dominants dans ce domaine, Sébillot et Saintyves et par la suite Varagnac, faisaient de l’étude des survivances le principe même du folklore. Pour Van Gennep, le folklore doit par ailleurs s’attacher aux seules populations rurales, contrairement aux thèses de la permanence de faits folkloriques dans les populations urbaines.

3. Repères bibliographiques

Brueyre Lois 1875. Contes populaires de la Grande-Bretagne. Paris, Hachette. Extrait. L’introduction de cet ouvrage rend compte d’une importante bibliographie relative aux premières collectes menées dans le domaine nordique en matière de folklore au cours du 19ème siècle. En Allemagne, de nombreux publicistes, en tête desquels se placent les frères Grimm, ont recueilli toutes les légendes de la race gotho-germanique. En Suède, Cavallius et Stephens; en Norvége, Abjôrsen et Môe; en Danemark, Carit Etlar, ont rassemblé les traditions du Nord; Dosent et Thorpe les ont traduites en anglais. Dans les pays slaves, quarante recueils ont été réunis et Gliodzko en a extrait les récits qui composent son livre. En Russie, Afanasieff, KhudiakofF, Erlevein, etc., ont rassemblé les contes et légendes populaires; Rliuibnikoff, Hilferding, Maikoff, ont recueilli les Biulùias, c’est-à-dire les cantilènes héroïques de la Russie. La suite de l’ouvrage rassemble les principales sources relatives aux îles britanniquesL’introduction de cet ouvrage rend compte d’une importante bibliographie relative aux premières collectes menées dans le domaine nordique en matière de folklore au cours du 19ème siècle. Lien : https://digital.nls.uk/dcn6/7868/78682883.6.pdf

Gauthier Claudine 2008. Philologie et folklore: de la définition d’une frontière disciplinaire (1870-1920). LAHIC/Mission Ethnologie (Ministère de la Culture). Mission Ethnologie (Ministère de la Culture), 68 p., 2008, Les carnets du Lahic n°2. Extrait. La première définition formelle du folklore, nous la devons certainement au secrétaire perpétuel de l’Académie celtique, Éloi Jouhanneau qui, en 1804, lors de la première séance de l’Académie lance : «C’est à la tradition seule qu’on doit les livres regardés comme les plus anciens monumens de la religion primitive. Apprenons donc à consulter le peuple, dont toute la science n’est que traditionnelle, dont les expressions mêmes ne sont que des formules consacrées, puisqu’il est démontré par le fait et la raison qu’elle est et doit être le dépositaire fidèle des traditions antiques et de toutes les connaissances des temps passés (…) Ce que nous considérons aujourd’hui comme des contes populaires, comme des monumens grossiers, sont des vestiges précieux de la sagesse de leurs anciens législateurs, de ces temps si reculés que l’histoire de ces peuples que nous sommes, dès notre enfance, accoutumés à admirer et à imiter, préférablement à ceux dont nous descendons, ne peut pas plus atteindre que celle de ces derniers.» Lien: https://shs.hal.science/halshs-00505586/document

Arnold van Gennep [1873-1957] textes inédits sur le folklore français contemporain présentés et annotés par Nicole Belmont. Paris : G.P. Maisonneuve et Larose, 1975, 142 pp. Collection : Archives d’ethnologie française, no 4. Extrait. La période des premiers travaux de folklore, celle de l’Académie celtique et de la Société des Antiquaires de France, a été étudiée de manière approfondie par Van Gennep. Au travers des mémoires publiés par les deux sociétés de 1805 jusque vers 1830-35 (date à laquelle le folklore en disparaît presque complètement au profit de l’histoire et de l’archéologie), Van Gennep s’interroge sur les raisons du désintérêt pour le folklore entre 1830 et 1880 environ. Il introduit ensuite le concept de variation, qu’il élabore à partir de son expérience de terrain et d’une comparaison avec le langage. Les variations sont la règle dans les faits de folklore tout autant que dans les faits de langage (diversité des langues, des dialectes, des prononciations dans un même dialecte, etc.). D’autre part la variabilité joue sur deux axes, l’un temporel, l’autre spatial. Le premier relève de la méthode historique dont Van Gennep reconnaît la rigueur et la prudence actuelles. Mais c’est l’axe spatial qui l’intéresse le plus et, à ses yeux, l’essentiel de la recherche folklorique consiste à relever les variations locales d’un même fait. La démarche suivante permettra de retrouver la généralité, de découvrir les types à travers les variations. Lien : https://www.berose.fr/IMG/pdf/textes_inedits_sur_le_folklore_francais_contemporain.pdf

Voisenat Claudie 2010. « Paul Sébillot et l’invention du folklore matérialiste », in Bérose – Encyclopédie internationale des histoires de l’anthropologie, Paris. Extrait. Au-delà de l’apparent éclectisme de la vie de Paul Sébillot, «polygraphe, poète, peintre, administrateur», son œuvre se révèle d’une très grande cohérence et d’une surprenante stabilité, malgré une bibliographie foisonnante et la diversité des matériaux qui la composent. Toute sa vie, Sébillot restera fidèle à un système mis en place au cours des premières années de son engagement dans ce qu’il définit moins comme une discipline que comme un ensemble d’objets dont il s’agit d’inventorier, de classer et de décrire les différentes manifestations. Contes, légendes, chansons, proverbes, devinettes, superstitions, coutumes finissent par former un gigantesque corpus dont il entend montrer l’étendue dans son Folklore de France, quatre tomes publiés entre 1904 et 1907, qui viennent tout à la fois couronner son statut de «prince des folkloristes» et marquer son isolement dans un milieu scientifique en pleine mutation où la science sociale durkheimienne occupe une place devenue prépondérante. Lien : https://www.berose.fr/article511.html

Gossiaux Jean-François 2006. Du folklore à l’ethnologie française. in Michel Izard et Fabio Viti (a cura di), Antropologia delle tradizioni intellettuali: Francia e Italia, Roma, CISU (Quaderni di etnosistemi). Extrait. Deux grands noms dominent l’histoire du folklore français dans les dernières décennies du dix-neuvième siècle et les premières années du vingtième, Sébillot et Saintyves. Sébillot (1843-1918) occupe une place centrale à la fois par son œuvre personnelle et par son rôle d’animateur d’une vie scientifique alors fort conviviale, puisque ses grands moments sont les « Dîners de Ma Mère L’Oye », devenus ensuite les « Dîners du Folklore ». Il est aussi à l’initiative de deux revues, la Revue des Traditions Populaires, créée en 1886, et Le Folklore de France, en 1904. C’est lui qui impose le terme de folk-lore, le « savoir du peuple », introduit en 1846 par William Thoms. Le mot est l’homologue de l’allemand Volkskunde. Saintyves (1870-1935), de son vrai nom Emile Nourry, est libraire-éditeur de profession et jouit à ce titre d’une influence considérable. Les deux noms, et les deux œuvres, sont indissociables, Saintyves étant le disciple et l’exégète de son aîné. Dans son Manuel de folklore, paru post mortem en 1936, il définit le folklore comme la littérature orale plus l' »ethnographie traditionnelle », celle-ci se subdivisant en « coutumes et usages », « croyances et superstitions », « livres de colportage » et « imagerie populaire ». La vision et la visée sont explicitement passéistes. Se référant au premier rapport de la Folk-lore Society, Sébillot assigne pour objet à sa discipline l’histoire non écrite des temps primitifs. La notion de base en est la survivance, qui précisément permet de retrouver ces « temps primitifs ». Lesquels peuvent également être approchés par l’observation des populations éloignées (« primitives »). De là résulte le goût pour les vastes panoramas à la Frazer, où sont mis en relation des faits tirés de sociétés hétérogènes. Sébillot et Saintyves rompent toutefois avec la manie compilatoire de leurs contemporains. Lien : https://shs.hal.science/halshs-00122408/document

Frédéric Mistral (1830-1914) et le Félibrige. Fondé en 1854, le Félibrige vise à rassembler des locuteurs des dialectes occitans dans le but de réhabiliter la langue d’oc et sa littérature. Il publie à cet effet un dictionnaire bilingue englobant l’ensemble des variétés d’oc, Lou Tresor dóu Felibrige ou Dictionnaire provençal-français (Le Trésor du Félibrige). Publié en deux volumes, en 1878, celui-ci regroupe deux mille pages d’informations lexicales, dialectales, grammaticales et ethnographiques. Mistral va aussi collecter et exposer dans un « musée de poète », prolongation de son œuvre littéraire, le musée Arlaten. Les musées d’ethnographie apparaissent en France à la fin du 19e siècle, au bénéfice du mouvement général de diversification des musées, jusqu’alors principalement cantonnés à la diffusion des Beaux-arts depuis leur création pendant la Révolution française. Au plan national, les musées d’ethnographie naissent dans un contexte de colonisation, afin d’étudier et de conserver les cultures exotiques. Dans le même temps, en région, des musées d’ethnographie exposent en les valorisant les sociétés traditionnelles rurales mises à mal par la Révolution industrielle et l’uniformisation engagée par l’État central. Le Museon Arlaten fut un des pionniers du genre.. Lien : https://www.museonarlaten.fr/des-collections-riches-et-vivantes/des-collections-pour-ecrire-un-poeme-en-objets/aux-origines-des-collections-une-mobilisation-populaire