Rituels agraires et traditions festives dans les Alpes méridionales et en Corse
- Les théories calendaires des survivances païennes
- Rites agraires et passions végétales
- Sommaire des articles (en cours de publication)
1. Les théories calendaires des survivances païennes. Le calendrier liturgique chrétien rythmait le déroulement de l’année au travers des fêtes des saints. Il s’agissait généralement de fêtes patronales auxquelles étaient souvent associées diverses cérémonies et rituels. Un grand nombre de ces fêtes prennent place dans des computs calendaires solaires ou luni-solaires. Ces fêtes et les traditions populaires qui leur sont associées ont ainsi été considérées par les premiers folkloristes comme des survivances d’antiques coutumes et croyance païennes. Ils ont notamment cherché à les mettre en relation avec d’autres calendriers. Par la suite, les vastes enquêtes menées en Europe tendraient plutôt à réduire leur signification à la seule dimension du christianisme et à des rites agraires calendaires propres à des sociétés essentiellement rurales.
2.Rites agraires et passions végétales. La mise à mort rituelle et la résurrection d’un « dieu », royauté éphémère ou « esprit de la végétation » est au cœur des thèses de Frazer. Elle est aussi au centre de la mystique de grandes religions comme le Bouddhisme ou le Christianisme. Ce rituel d’un grand universalisme est généralement un rituel agraire, la “mise à mort” d’une plante ou d’un masque végétal. Mais c’est aussi un rite shamanique, issu des archaïques sociétés de chasseurs où l’on cherche ainsi à s’assurer la pérennité du gibier. De la préhistoire à nos jours un même schéma semblerait donc gouverner l’histoire des religions. Il témoigne de la confrontation de l’homme aux mystères de son existence du monde qui l’entoure. Les pratiques festives qui se sont conservées en marge de la liturgie, nous révèlent aussi l’essence esthétique et conviviale de la fête.
3. Sommaire des articles en cours de publication
LES DANSES FESTIVES. Les traditions populaires nous donnent de précieuses indications sur les représentations du corps en vigueur dans les sociétés médiévales. Véritable conservatoire de traditions mêlant Sacré et Profane, cet héritage haut en couleurs est largement attesté dans une grande partie de l’Europe et du monde méditerranéen. Il est abordé ici au travers d’un ensemble de danses rituelles pratiquées jusqu’à nos jours dans les Alpes méridionales, en Provence et en Ligurie. Elles déclinent l’image d’un corps traversé par un ensemble de rituels agraires et de fécondité où l’exorcisme de la mort occupe une place centrale. Ces danses se tiennent pour l’essentiel en période carnavalesque, avec les danses armées et les carnavals mauresques, ou encore les danses des bouffets, des tripettes et les fêtes du vin. On retrouve aussi des danses rituelles liées aux fêtes de la mer, comme le Bal de la mort ou la Danse de la barque.
LES FÊTES DE CARNAVAL. Le cycle populaire des fêtes de Carnaval relève au moyen âge de celui des fêtes de Pâques. Le Carnaval prend ainsi fin avec le début du Carême, soit 40 jours avant la Pâque, lors du Mardi Gras. Le Carnaval n’est pas une fête chrétienne et le calendrier chrétien ne donne aucune indication sur la période où débutaient ces festivités. La correspondance du Mardi Gras avec la nouvelle lune, explique peut-être tout un ensemble de coutumes et rituels caractérisant aussi bien les fêtes de Noël et de Chandeleur que celles de la période pascale. La mise à mort du Carnaval est l’un de ces éléments dont les survivances sont bien attestées dans les Alpes méridionales et en Corse.
LES FETES DE LA MER. Les fêtes de la mer occupent une place importante dans le calendrier religieux. Elles prennent place pour l’essentiel entre les deux célébrations chrétiennes de la fête de la Croix, la fête de son Invention qui se tient le 3 mai et celle de l’Exaltation qui se déroule le 4 septembre. Il s’agit là, en fait, des dates traditionnelles de l’ouverture et de la fermeture de la navigation. Les principales fêtes marines se déroulent lors de la Saint-Pierre le 29 juin, grande fête des pêcheurs et de la barque, de la Sainte-Anne le 26 juillet et lors des fêtes mariales. Ces fêtes, légendes et processions évoquent en règle générale l’arrivée de reliques miraculeuses, têtes coupées qui flottent sur les eaux, corps démembrés des saints confiés aux solitudes marines, cadavres mutilés qui échouent sur les plages, morts sans sépultures que l’on exorcise en leur édifiant une chapelle et en leur érigeant un culte, en des lieux voués depuis des temps immémoriaux à la célébration de la mer.
LES FETES DU FEU. Dans la liturgie catholique le cycle dit de l’Avent, qui aurait pu durer 40 jours, précède la fête de Noël (25 décembre). Un cycle mineur, dit cycle des 12 jours s’intercale ensuite entre Noel et la fête de l’Epiphanie laquelle célèbre le baptême du Christ le 6 janvier. Le cycle majeur qui suit Noel est un cycle de 40 jours. Il conduit à la Chandeleur le 2 février, commémoration de la Présentation de Jésus au Temple. Ces deux cycles de 40 jours situés avant et après Noel encadrent en fait le solstice d’hiver. L’Avent précède ainsi la nuit la plus longue, celle du solstice. Les jours commencent ensuite à s’allonger et la Chandeleur annonce la réapparition du soleil de printemps. Dans les Alpes méridionales et en Corse, cette période est particulièrement marquée par des pronostics agraires et des bûchers rituels et festifs.
LES FETES PASCALES. En ce qui concerne la fête de la Pâque, un comput similaire est lié cette fois à l’équinoxe, mais aussi aux cycles de la lunaison. Les 40 jours du Carême précèdent ainsi la Pâque et le cycle de 40 jours qui la suit mène à l’Ascension. La dimension cyclique est ici très explicite à l’image du Christ qui nait, meurt et ressuscite. La date de la Pâque relève toutefois aussi d’un calendrier lunaire. Elle se tient plus précisément le dimanche suivant la pleine lune de l’équinoxe de printemps. Comme lors des fêtes de Noel, de nombreux rituels agraires marquent cette période ainsi que d’autres bûchers rituels et festifs. Il existe aussi, dans les Alpes méridionales et en Corse, un grand nombre de mises en scène théâtrales de la Passion du Christ.
LES FETES MARIALES. L’Ascension, 40 jours après la Pâque, inaugurait un autre cycle populaire, celui des fêtes de mai, puis à partir de la Saint-Jean à la fin du mois de juin, une quarantaine redoutable, celle de la Canicule, laquelle durait jusqu’au 1° août. Les travaux agricoles étant alors terminés, ce rythme calendaire populaire ne reprenait qu’avec la Saint-Martin, le 11 novembre, autrefois suivie d’un Carême qui préludait à la Noël. Les principales fêtes mariales prennent place dans cette période et notamment aux mois de mai et de juillet avec là encore d’importants rituels agraires et festifs. Dans les Alpes méridionales et en Corse, les principales manifestations de tradition populaire concernent les cérémonies de l’Arbre de mai et les commémorations des Saintes Maries de la Mer.
LES CUISINES DE LA FETE. Les Saintes espèces. Le pain et le vin que le prêtre consacre renouvellent la Passion du Christ. A côté du mystère sacré de l’Eucharistie, il existe aussi d’autres usages religieux ou festifs – et non moins rituels, de ces mêmes aliments. Saint-Vinage, hosties de la Saint-Sébastien, pains rituels des fêtes et des Confréries… constituent un important ensemble de fêtes très vivantes en Provence et en Ligurie. Au-delà de la place culturelle et religieuse dévolue à la vigne et au blé, ces usages en marge de la liturgie évoquent aussi la nature identitaire des pratiques culinaires: aliments de la fête, nourritures de l’exotisme ou de l’altérité, saveurs d’un terroir, les habitudes alimentaires participent des identités collectives. Les manières de table sont en effet le lieu des échanges, de la convivialité du partage et des rituels de l’hospitalité. Par leur biais une société s’ouvre aux influences les plus diverses.